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©Rex Way
DEAR LABELS
14th July 2021.
Words by Marieme Diallo. Photography by Rex Way.
Putting labels on people... Our world is guilty of it. Black? Woman? Muslim? Wife of? National Worker? In her personal letter-essay, Marieme Diallo is addressing what being 'labellised' meant for her identity but also what it means for her parents. Her ambition is that her children should be defined by themselves.
Discover her essay 'The Labels', Les Etiquettes en Francais.
LETTER IN FRENCH
LES ETIQUETTES
La frontière… ? Où je me situe par rapport à cette frontière ?
J'ai entendu un jour que pour se protéger, l'être humain a besoin de catégoriser, pour avoir des repères, fixer et se fixer des limites, pour se définir et définir des règles. Il va poser des étiquettes.
Ainsi, mes fils, quelle est notre étiquette ou plutôt qui nous étiquette ?
Il est drôle de voir à quel point un acte banal tel que coller des étiquettes a jalonné et influencé ma personnalité. Alors qu'elle représente l’ordre, le classement ; pour moi elle est vecteur d’insécurités tellement cet acte (de coller des étiquettes) est abstrait, vague et je ne parviens pas à m’y raccrocher
Voici mes étiquettes : femme noire, « black » ou « de couleur », « musulmane », « fille de », « femme de », « mère de » et « fonctionnaire » ! Le fait de l’écrire me fait sourire ! Un beau mélange hein !
Le problème, c’est que je ne me sens ni femme (hormis physiologiquement), ni black, ni fonctionnaire, ni musulmane, mais bien ta mère, c’est ma seule certitude.
Alors, mes fils, comment me définirais-je ? Puis-je m’auto-étiqueter... ? Si, je jouais à ce jeu, je me présenterais comme une française d’origine sénégalaise, assistante sociale, de confession musulmane, la mère de Midou et Nouchou. Sauf que ce que je voudrais être est bien différent de ce que je suis. D’un jour à l’autre, d’une semaine à l’autre, d’un mois à l’autre, tout cela peut évoluer ou changer...
La seule chose immuable est le fait que je suis votre mère et la fille de… donc l’étiquette la plus fiable serait peut-être uniquement celle liée à la famille.
Pour commencer parlons de mon statut de femme qui je suis sûre vous a questionnés. Je suis bien physiologiquement de sexe féminin et hétéro. Mais, être une femme aujourd’hui, c’est quoi ? Car le rôle et la place que je constitue dans cette boite d'étiquettes me parait tellement différente des étiquettes d'à côté...
Je ne me sens pas une femme libre dans une société où Mai 68 a fait naitre les féministes. Je ne me sens pourtant pas féministe car je vis mon rôle dit de « de femme » !! Et oui, mon fils tu as bien intérioriser les rôles : "quand j’ai faim c’est maman !"
Cuisinière, ménagère, coquette, ... Le partage des tâches est naturellement établi dans mon foyer.
J’exerce un métier considéré comme « féminin », j’ai des préoccupations dites « féminines » (dernière mode et tendance actuelle,).
En effet, malgré un principe d’égalité immuable que représente ma profession, mon salaire et mon sexe, une différence notable sera toujours soulignée : ma couleur de peau.
La première chose, c’est mon prénom qui est écorché et il ne paraît pas compliqué pourtant ! Ensuite on en vient à mon nom : "Ah oui, vous êtes beaucoup vous les D.… !» J’en ai beaucoup dans ma fil active ! » Pour rappelle, je suis Assistante sociale donc j’accompagne les personnes en situation de précarité.
Ensuite mon lieu de résidence ou de naissance. On s’attend à ce que je vienne du 93 ou de Mantes La Jolie.
On est toujours étonné de savoir que je n’ai QUE deux sœurs et que mon père est professeur de mathématiques.
En revanche, le fait que ma mère soit jeune n’étonne personne.
On s’attend toujours à ce que je rapporte des spécialités exotiques, que je sois en retard ou que je sache danser. On va toujours me parler de mes faux cheveux ou du fait que j’ai une voix qui porte. Tout cela sont des choses auxquelles, tu seras confronté mon fils : les clichés.
Alors, tu as le choix de faire comme moi ? Envoyer balader ou utiliser l’humour comme arme de défense pour prendre du recul, te battre ou ignorer. Chacun fait comme il le sent.
Ma mère a choisi de lutter, mon père a préféré espérer et à ta naissance moi, j’ai voulu banaliser et te protéger car je sais le mal que cela peut faire parfois.
En effet, je t’ai toujours dit que tu étais "noir et fier" à tel point que jusqu’à tes 5 ans, tu as même cru que « noir-et-fier » était une couleur à part entière.
Je me suis sentie obligée de t’inculquer cela pour que ta couleur devienne (ou soi) un signe de fierté. Et tu as vite compris que tu étais "marron et les autres beiges".
J’avais besoin de souligner que tu étais noir, de le valoriser, de faire de cette chose banale une merveille. Et donc, en faire une particularité et jouer le jeu de marquer la différence. Là est le paradoxe….
Seras-tu libre mon fils, émancipé de ces étiquettes ou porteras-tu comme moi ce sentiment éternel, presque schizophrène d’être dans un entre-deux (et même parfois un entre-trois,..). Ni d’ici, ni de là-bas.
Seras-tu libéré des chaines d’histoire, du devoir et des étiquettes ?
Voilà ce que je sais de mes origines.
Mon père et ma mère sont originaires du Sénégal, de la région de Thiès où j’ai eu l’occasion d’aller en vacances. J’adorais aller au Sénégal car c’était pour moi un monde merveilleux, un monde de dessins animés, un monde où comme le disaient mes parents :
« Il fait beau, il fait chaud,
Les fruits sont beaux ?
Tout le monde s’aime, tous les enfants sont polis
Et les personnes sont solidaires, vivent ensemble en harmonie".
J’adorais aller dans ce pays où je me sentais unique, choyée, aimée de mes tantes, de mes grands -mères, de mes cousins et cousines. L’expérience de la vie y était tellement facile.
Puis j’ai grandi….
Mes yeux se sont ouverts et tout a changé. Ce monde merveilleux était un mirage.
Pour un sénégalais, je suis « une fille de France », une petite expression qui veut dire beaucoup…. Déjà, je suis une fille, pas une femme - une personne pas tout à fait accomplie, une fillette naïve, capricieuse, un tantinet rebelle voir dévergondée, indomptable qui sort du rang.
Pour un Français, je suis une « black » et musulmane : une personne peu rigoureuse, dans l’émotion, dans la violence, une lionne exotique, soumise, allaitante. Si vous regardez bien, des étiquettes complètement contradictoires. Sauf que moi, je ne me reconnais nulle part.
Donc, pour mes parents sénégalais, il fallait être durs et strictes par peur que la France nous éloigne et en même temps, nous étions l’espoir.
Portez l’espoir cela vous parait poétique et vecteur d’avenir.
Pour moi, c’est un poids.
Comment assurer ? Comment porter l’espoir ? mes parents ont quitté ce monde merveilleux pour assurer, s’assurer un avenir meilleur. Et je me devais de faire mieux en tant que leur enfant et en tant que noir. Pourquoi ne pas juste être moi, maitre de mon propre destin : CAN I BE ME?
Pourtant, bien des fois, je me suis plainte d’être enfermée dans un rôle qu’on attend de moi... Un modèle, une étiquette peu conforme à la réalité de ce que je voudrais être ou de ce que je pense :
« Je ne pense pas ce que je suis ».
Au quotidien, j’ai une vie très catégorisée : être ta maman et tout ce que cela génère de stress, de peurs, d’inquiétudes, d’engagements. Pour ainsi dire, je suis chargée mentalement !
Quand je pense à mon indépendance la première chose qui me vient en tête, c’est le fait que je « travaille ». Un travail très féminisée et catégorisée...
Les étiquettes ne recouvrent pas que les dossiers...
Contrairement à un Sénégalais ou à un Français : MOI, j’avais besoin de faire ma place, de trouver mes repères, et je n’avais pas de modèle à part ces blacks américaines qui n’ont rien à voir avec moi.
Aujourd’hui, je suis ta mère, avec tous mes paradoxes et mes psychoses et toi, tu n’auras rien d ‘autre à faire que d'être ce que tu auras décidé car vivre tiraillé gâche la vie à bien des égards.
Car moi, votre mère, je souhaite que vous soyez vous, Que vous pensez ce que vous voulez être !
Sois toi, sois acteur, construis ta maison comme tu l’entends sans étiquettes mais avec des briques bien solides. Je serai tes fondations au-delà des frontières.
Vivre sans devoir ou valoir sans qu’on attende rien de vous si ce n’est être vous, Midou et Nouchou.
Avoir suffisamment confiance, c’est ma définition de la liberté.
Je ferai en sorte de vous accompagner en ce sens.
Je ferais des erreurs car je porte ma croix et vous en ferez aussi.
Mais, je vous laisserais les assumer mais je serai toujours là pour vous, pour vous porter, vous aimer et vous accompagner.
Marieme Diallo is is a French nurse living in Paris. She is born in Madagascar and is passionate by alternative medicines. She believes western medicine is not the only rule and that the body and the mind does keep the score. As a medical staff, 2020 was particularly challenging for her (and we would like to thank her immensely for her service and time!). She is a mother of 3 and believes that with self-motivation, there is no mountain high enough.'